lundi 7 janvier 2013

François Hollande au miroir de la presse allemande (2) : questions d'image

François Hollande en visite de bon matin au marché international de Rungis

On se souvient que les journaux allemands avaient déjà observé les débuts de François Hollande avec circonspection, notamment eu égard à ses positions vis-à-vis de la Grèce[1]. Et depuis décembre, la presse allemande a consacré quelques pages au déclin de la popularité du président de la République. Le quotidien conservateur de Francfort, sous la plume de Michaela Wiegel, a brossé un  portrait sévère de la situation difficile dans laquelle se trouve François Hollande[2]. Pour la journaliste du Frankfurter Allgemeine Zeitung, les images tirées de sa visite en Algérie – où l’ancien premier secrétaire du parti socialiste a été chaleureusement accueilli – ne doivent tromper personne : jamais un président français n’a vu sa cote de popularité se dégrader si rapidement. D’ailleurs, le choix de l’Algérie pour sa première visite au Maghreb est vivement critiqué par Michaela Wiegel. Alors qu’il aurait pu soutenir les forces progressistes des pays du « printemps arabe » ou saluer les réformes engagées au Maroc, François Hollande a choisi de célébrer un gouvernement figé dans le clientélisme pétrolier. En cela, la journaliste semble oublieuse des liens socio-historiques privilégiés unissant la France et l’Algérie. 

Toutefois, c’est l’attitude générale du président de la République qui déplaît ici. Si François Hollande donne tant d’importance à la concertation, ce ne serait que pour gagner du temps. Or, il y a urgence. Par exemple, les principales mesures du pacte de compétitivité ne s’activeront qu’en 2014, alors que le chômage ne cesse d’augmenter et les perspectives de croissance d’être revues à la baisse. Dans le dossier des hauts-fourneaux de Florange, c’est sa posture d’arbitre qui est critiquée. Il a laissé son Premier ministre Jean-Marc Ayrault et le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg entrer en conflit, puis est intervenu en dernier ressort tel un deus ex machina pour colmater les brèches, mais sans recadrer son ministre. La situation, conclut Michaela Wiegel, aurait pu être pire sans l’aide de deux alliés providentiels : les marchés financiers, d’une part, car la France s’y finance à bon compte et l’UMP, de l’autre, car la querelle des chefs qui la secoue empêche la construction d’une opposition crédible.

Claude Sérillon au palais de l'Elysée lors de l'investiture de François Hollande

La presse a également relaté la nomination de Claude Sérillon en tant que conseiller en communication à l’Elysée[3]. Pour Stefan Ulrich du quotidien Süddeutsche Zeitung, ce changement de stratégie sonne comme l’aveu d’un échec. Parce que François Hollande n’aurait pas réussi, de lui-même, à développer un style convaincant et à imposer son autorité, il renouvellerait aujourd’hui sa garde rapprochée communicationnelle en nommant un ancien présentateur de journal télévisé pour redorer son image auprès des Français. Pour le journaliste, la « présidence normale » n’a pas pris dans une république où le chef d’État – dont la figure idéalisée reste modelée par le souvenir du général De Gaulle – doit diriger la Nation. Le concept utilisé pour décrire François Hollande dans cet article est intéressant car il renvoie à l’imaginaire allemand. Il s’agit du « Biedermann », autrement dit l’honnête homme, le monsieur Prudhomme ou encore l’homme de bonne volonté. Le Biedermann s’inscrit dans le Biedermeier (1815-1848), époque où un Carl Spitzweg exaltait la Gemütlichkeit dans ses tableaux de scènes bourgeoises. Le Biedermann est donc quelqu’un qui tient son quant-à-soi et qui se replie volontiers dans le confort de la sphère intime. On peine à y reconnaître François Hollande, mais l’expression est néanmoins plus poétique que celle de « normaler Präsident ».

Q.H.

[1] "Hollande ne convainc pas les Allemands", Le Figaro, 23.08.2012.
[2] „François Hollande Im Zweifel für den Stillstand“, FAZ, 21.12.2012.
[3] „Basteln am Biedermann“, Süddeutsche Zeitung, 04.01.2013.

vendredi 4 janvier 2013

François Hollande au miroir de la presse allemande (1) : questions d'économie

En cette fin d’année 2012, les journaux allemands ont consacré plusieurs articles au président de la République française, François Hollande. Ce premier article revient sur les principaux thèmes économiques, alors qu’un autre suivra à propos du style de la nouvelle présidence, deux objets qui semblent préoccuper l’opinion publique allemande. 

Pour Alain-Xavier Wurst de l’hebdomadaire social-libéral Die Zeit, François Hollande tente de donner une nouvelle orientation à la politique économique française[1]. Selon lui, le « rapport Gallois » a substitué une logique de l’offre à une logique de la demande à laquelle se seraient consacrés jusqu’alors les gouvernements successifs. Cela répond en partie à la question que se pose l’Allemagne à propos de l’économie de son voisin : pourquoi la France ne s’engage-t-elle pas dans une réforme d’ampleur égale à l’Agenda 2010 de la coalition SPD-Bündnis 90/Die Grünen

François Hollande à l'Assemblée générale de l'ONU, en septembre 2012

Le journaliste semble accueillir chaleureusement les préconisations de Louis Gallois à partir d’un diagnostic qu’il ne remet pas en question. La France serait une économie en voie de désindustrialisation dans laquelle les très grandes entreprises constituent souvent des leaders mondiaux, tandis que les petites et moyennes entreprises (PME) souffrent d’un manque de dynamisme. Toutefois, Alain-Xavier Wurst estime que malgré les bonnes intentions du gouvernement, la réforme de l’économie française a peu de chance d’aboutir. En effet, la méthode de négociation retenue par le président Hollande – la concertation entre partenaires sociaux – est trop étrangère à une tradition française marquée par le conflit. Se référant au penseur Pierre Rosanvallon, il avance que la concertation est possible dans un pays imprégné de la pensée libérale comme l’Allemagne, où l’intérêt général prend la forme d’un compromis entre divers intérêts particuliers. A l’inverse, en France, l’intérêt général serait un concept plus abstrait dépassant la somme des intérêts particuliers et des corporations, d’où l’intervention nécessaire de l’État à la table des négociations. Au final, le journaliste se veut donc attentiste : François Hollande s’étant jusque-là montré décevant dans sa capacité à diriger et la croissance n’étant pas au coin de la rue, il faudra attendre quelques années avant de savoir si cette nouvelle politique aura porté ses fruits. 

La porte d'entrée du Conseil constitutionnel sous les arcades du Palais-Royal

Enfin, la presse allemande s’est fait l’écho de la décision du Conseil constitutionnel de retoquer la taxe à 75% sur la fraction des revenus supérieurs à 1 million d'euros. D’après Rudolf Balmer du quotidien berlinois de gauche Tageszeitung, il s’agit d’une « claque » pour François Hollande qui avait fait de cet engagement de campagne le symbole de sa lutte pour la justice sociale[2]. Cependant, le journaliste ne doute pas de la détermination du président de la République, « qui n’est pas prêt de céder », à entamer la préparation d’un nouveau texte conforme à la Constitution. Tout autre est l’avis de Christian Schubert du quotidien conservateur Frankfurter Allgemeine Zeitung, qui estime quant à lui que l’occasion est définitivement trop belle d’enterrer un texte électoraliste et absurde nuisant à la réputation de toute la France[3]

Q.H.

[1] "Frankreich misstraut sich selbst", Zeit Online, 20.12.12.
[2] "Verfassungsrat stoppt Reichensteuer", TAZ Online, 29.12.12.
[3] "Ab ins Steuergrab", FAZ, 01.01.2013.