vendredi 4 janvier 2013

François Hollande au miroir de la presse allemande (1) : questions d'économie

En cette fin d’année 2012, les journaux allemands ont consacré plusieurs articles au président de la République française, François Hollande. Ce premier article revient sur les principaux thèmes économiques, alors qu’un autre suivra à propos du style de la nouvelle présidence, deux objets qui semblent préoccuper l’opinion publique allemande. 

Pour Alain-Xavier Wurst de l’hebdomadaire social-libéral Die Zeit, François Hollande tente de donner une nouvelle orientation à la politique économique française[1]. Selon lui, le « rapport Gallois » a substitué une logique de l’offre à une logique de la demande à laquelle se seraient consacrés jusqu’alors les gouvernements successifs. Cela répond en partie à la question que se pose l’Allemagne à propos de l’économie de son voisin : pourquoi la France ne s’engage-t-elle pas dans une réforme d’ampleur égale à l’Agenda 2010 de la coalition SPD-Bündnis 90/Die Grünen

François Hollande à l'Assemblée générale de l'ONU, en septembre 2012

Le journaliste semble accueillir chaleureusement les préconisations de Louis Gallois à partir d’un diagnostic qu’il ne remet pas en question. La France serait une économie en voie de désindustrialisation dans laquelle les très grandes entreprises constituent souvent des leaders mondiaux, tandis que les petites et moyennes entreprises (PME) souffrent d’un manque de dynamisme. Toutefois, Alain-Xavier Wurst estime que malgré les bonnes intentions du gouvernement, la réforme de l’économie française a peu de chance d’aboutir. En effet, la méthode de négociation retenue par le président Hollande – la concertation entre partenaires sociaux – est trop étrangère à une tradition française marquée par le conflit. Se référant au penseur Pierre Rosanvallon, il avance que la concertation est possible dans un pays imprégné de la pensée libérale comme l’Allemagne, où l’intérêt général prend la forme d’un compromis entre divers intérêts particuliers. A l’inverse, en France, l’intérêt général serait un concept plus abstrait dépassant la somme des intérêts particuliers et des corporations, d’où l’intervention nécessaire de l’État à la table des négociations. Au final, le journaliste se veut donc attentiste : François Hollande s’étant jusque-là montré décevant dans sa capacité à diriger et la croissance n’étant pas au coin de la rue, il faudra attendre quelques années avant de savoir si cette nouvelle politique aura porté ses fruits. 

La porte d'entrée du Conseil constitutionnel sous les arcades du Palais-Royal

Enfin, la presse allemande s’est fait l’écho de la décision du Conseil constitutionnel de retoquer la taxe à 75% sur la fraction des revenus supérieurs à 1 million d'euros. D’après Rudolf Balmer du quotidien berlinois de gauche Tageszeitung, il s’agit d’une « claque » pour François Hollande qui avait fait de cet engagement de campagne le symbole de sa lutte pour la justice sociale[2]. Cependant, le journaliste ne doute pas de la détermination du président de la République, « qui n’est pas prêt de céder », à entamer la préparation d’un nouveau texte conforme à la Constitution. Tout autre est l’avis de Christian Schubert du quotidien conservateur Frankfurter Allgemeine Zeitung, qui estime quant à lui que l’occasion est définitivement trop belle d’enterrer un texte électoraliste et absurde nuisant à la réputation de toute la France[3]

Q.H.

[1] "Frankreich misstraut sich selbst", Zeit Online, 20.12.12.
[2] "Verfassungsrat stoppt Reichensteuer", TAZ Online, 29.12.12.
[3] "Ab ins Steuergrab", FAZ, 01.01.2013.

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